Zoom sur le parascolaire
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Accompagner
un enfant, l’éduquer ou le soigner nécessite de tenir compte de son
environnement imaginaire et symbolique et de sa manière de s’inscrire
dans la culture dans laquelle il est immergé. Or, la matière numérique[1]
constitue un nouveau médium dont l’impact aura une portée aussi
conséquente que l’invention de l’écriture. Accueillir le nouveau et
l’inattendu de notre culture contemporaine est de notre responsabilité
si nous voulons guider les enfants dans le mouvement engagé sans les
abandonner aux risques d’assumer seuls ces mutations non expérimentées
ni travaillées par le temps. Chaque génération transmet et impose,
souvent à son insu, ses évolutions sociétales à la génération suivante.
Chaque sujet social est engagé dans le devenir de sa culture, même si
cette responsabilité est collective. Un déni de cette responsabilité
apparaît depuis que les technosciences renversent les savoirs et les
pouvoirs, idéalisant la nouvelle génération comme modèle de maîtrise de
l’outil informatique. Pourtant, « une technique reste une technique et
seul son usage en fait un outil »[2].
Mais cet outil, permettant l’interconnexion à tout moment, exerce un
pouvoir de fascination et la volonté de limiter son règne n’est pas
d’actualité, confirmant la fragilité de nos repères symboliques. Car il
manque des représentations symboliques essentielles pour virtualiser
l’avenir et le rendre moins étranger.
Mais que font les enfants avec leur ordinateur ? Selon Allard[3],
les petits jouent à des jeux de découverte, les 7 à 11 ans fréquentent
essentiellement les sites des jeux d’accès gratuit. Parfois, ils font
des recherches ou écrivent et sont de plus en plus nombreux à aller sur
les réseaux sociaux (via leurs parents puisque pour avoir un compte
Facebook, par exemple, il faut avoir 13 ans au minimum). 94% des enfants
européens de 10 à 12 ans sont connectés à internet et l’âge moyen de
navigation est de 9 ans.
Les écrans évoluant constamment, Tisseron[4]
estime que les enfants doivent être éduqués aux médias. Il propose aux
parents, aux éducateurs-trices et aux pédagogues la règle des
3-6-9-12. Il ne s’agit pas d’interdire cet outil avant tel ou tel âge de
l’enfant mais de le permettre à partir de tel ou tel âge, dans une
optique non seulement de protection de l’enfant mais de réinvention du
monde. Les âges repères sont calqués sur le système scolaire français
mais correspondent aussi à des passages de cycles scolaires suisses.
Brièvement, voici ce qu’en dit Tisseron[5] :
-
Avant 3 ans, éviter les écrans le plus possible, ou en jouer avec
l’enfant quelques instants mais surtout ne pas le laisser seul devant
l’écran. De nombreux travaux montrent que l’enfant n’a rien à gagner des
écrans.
-
Entre 3 et 6 ans, l’enfant continue à construire son rapport à son
environnement. Aussitôt que les jeux numériques sont introduits dans la
vie de l’enfant, ils accaparent toute son attention, aux dépens de ses
autres activités. Les jeux vidéo proposés sont très répétitifs et peu
intéressants. Il s’agit dès lors de cadrer le temps d’écran et de
parler avec l’enfant des images qu’il a vues.
-
Entre 6 et 9 ans, l’enfant n’a pas grand-chose à faire sur internet.
Par contre il existe des jeux vidéo intéressants, peu répétitifs.
-
Dès 9 ans, l’accès à internet est possible sous le contrôle et
l’accompagnement de l’adulte. Il est important que l’enfant ne découvre
pas internet comme un espace de consultation solitaire mais comme un
espace d’interactivité et de création de liens.
-
Dès 12 ans, selon le développement de chaque enfant, accès seul à
internet et aux réseaux sociaux avec prudence. Le parent ou l’adulte
définit avec l’enfant des règles d’usage, des horaires et des contrôles.
Mais
s’il convient d’éduquer les enfants à la vie et à l’utilisation du
numérique, il convient aussi de nous questionner en tant qu’éducateurs
et/ou parents sur notre propre rapport à ce média. La communauté
scientifique internationale insiste sur le fait que les usages intensifs
des technologies numériques ne relèvent pas d’une forme moderne
d’intoxication. Tisseron avance néanmoins que si ces technologies ne
produisent pas d’addictions, elles peuvent produire de mauvaises
habitudes, individuelles et sociales, et que la solution à des pratiques
excessives n’est pas individuelle mais collective. A propos des
technologies numériques, personne ne tient seul la solution de ses
excès. Et de faire quelques suggestions comme prendre le repas du soir
sans tv ni téléphone mobile ou couper le wifi le soir à partir d’une
certaine heure ou encore déposer son téléphone mobile hors de la chambre
à coucher…
JBW
Newsletter 81 du CREDE, 16 septembre 2014
[1] Texier, D. (2014). Introduction. In D. Texier (sous la dir. de), L’enfant connecté. (pp. 7.15). Toulouse : Erès.
[2]Ibid. p. 9.
[3]
Allard, C. (2014). Communiquer avec les mondes numériques, une nouvelle
forme d’altérité pour les enfants et les adolescents. In D. Texier
(sous la dir. de), L’enfant connecté. (pp. 77-94). Toulouse : Erès.
[4]Tisseron, S. (2013). 3-6-9-12. Apprivoiser les écrans et grandir. Toulouse : Erès.
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